Nejma, 22 ans, travaille dans la manade de Léonard, la meilleure de la région Camarguaise. Alors qu'elle s'entraîne pour remporter le championnat des raseteurs, un concours qui consiste à défier le taureau dans l'arène, la rumeur d'un taureau en fuite effraie les habitants. Des hommes sont retrouvés morts. Nejma ressent alors des symptômes étranges et inquiétants.
Une œuvre puissante et poétique
Animale, le deuxième long-métrage d’Emma Benestan, est une œuvre audacieuse qui s’inscrit dans un univers à la fois fascinant et inquiétant, où la Camargue devient le théâtre d’un western féministe teinté de fantastique. La réalisatrice, déjà connue pour ses documentaires sur cette région, réussit à capturer l’essence de ce paysage unique tout en y insufflant une tension palpable, à travers le parcours de son héroïne, Nejma, brillamment interprétée par Oulaya Amamra.
Dès les premières images, le film plonge le spectateur dans une ambiance à la fois sauvage et poétique. Les meuglements des taureaux résonnent, tandis que des silhouettes se dessinent dans la poussière, évoquant une lutte entre l’homme et la nature. La musique, rappelant les compositions d’Ennio Morricone, renforce cette atmosphère de western, où chaque scène est soigneusement chorégraphiée, comme un ballet entre les chevaux et les taureaux. L’ancienne monteuse des films d’Abdellatif Kechiche, 36 ans, parvient à créer un rythme captivant, où la beauté des paysages camarguais se mêle à la brutalité de la vie des manadiers.
Le personnage de Nejma est au cœur de cette histoire. En tant que seule femme dans un monde dominé par les hommes, elle incarne la lutte pour l’affirmation de soi et la quête de liberté. Son rêve de remporter la course camarguaise devient le symbole de sa résistance face aux normes patriarcales. Oulaya Amamra, avec une grande subtilité, donne vie à cette héroïne complexe, dont le corps devient un champ de bataille entre la force et la vulnérabilité. La réalisatrice explore ainsi les métamorphoses de la féminité, tout en interrogeant les notions de pouvoir et de peur.
L’intrigue, marquée par des disparitions mystérieuses et la rumeur d’une bête sauvage, ajoute une dimension fantastique au récit. Cette tension narrative, qui s’intensifie au fil des scènes, permet à Benestan d’explorer les peurs ancestrales liées à la nature et à l’inconnu. Les taureaux, figures mythologiques et terrifiantes, deviennent des métaphores de la lutte intérieure de Nejma, reflétant ses propres démons.
Visuellement, Animale est un véritable régal. La caméra d’Emma Benestan, influencée par les grands maîtres du cinéma, capte la beauté brute de la Camargue avec un regard neuf. Les paysages, filmés en grand-angle, offrent des panoramas saisissants, où chaque plan est une invitation à contempler la majesté de la nature. Les taureaux noirs et les chevaux blancs, en mouvement, forment un damier vivant, une danse hypnotique qui fascine et captive.
En s’éloignant des comédies romantiques de ses précédents travaux, la réalisatrice réussit à créer une œuvre qui résonne avec des thèmes universels de lutte et de résilience. Animale est un film qui interroge notre rapport à la nature, à la violence et à la féminité, tout en offrant une expérience cinématographique riche et immersive. La réalisatrice, avec son regard aiguisé et sa sensibilité, nous invite à réfléchir sur les enjeux contemporains tout en nous plongeant dans un univers où le fantastique et le réel se rencontrent.
En somme, Animale est une œuvre puissante et poétique. Avec une direction artistique soignée et des performances remarquables, ce film s’impose comme une exploration audacieuse des thèmes de la féminité et de la nature, tout en rendant hommage à la beauté sauvage de la Camargue. Un véritable coup de cœur cinématographique à ne pas manquer.