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LA CHAMBRE BLEUE (2014) - Cinemaniacs.be
Un homme et une femme s'aiment en secret dans une chambre, se désirent, se veulent, se mordent même. Puis s'échangent quelques mots anodins après l'amour. Du moins l'homme le croit-il...
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« La vie est difficile quand on la vit et quand on l’épluche après coup » L’excellent film de Mathieu Amalric suit au plus près les sinuosités du roman de Simenon tout en le transposant dans le cadre contemporain plutôt morne d’une petite ville de province. Les personnages en ont en apparence la banalité. Esther, l’épouse frustrée du pharmacien, renoue avec un ami( ?) d’enfance, Julien, en apparence bien installé dans la vie professionnelle et affective : trop, sans doute. Un adultère ? Les premiers moments du film le laissent croire (un banal hôtel de rencontres) mais les rares paroles se chargent vite de mystère, certains gestes accomplis ont une signification qui ne sera décryptée (et encore, partiellement) que bien plus tard. Et puis, l’image magnifie l’ordinaire des lieux et des corps : magnifiques jeux d’ombre et de lumières sur les corps dénudés, l’impudeur se charge d’une sensualité très forte, le sexe furtivement révélé de la femme n’étant pas sans rappeler le célèbre tableau de Courbet. Le récit n’a rien de linéaire et le spectateur va assister à de nombreux retours en arrière. A charge pour lui, à la manière du juge d’instruction chargé de l’enquête, de reconstituer un bien inquiétant puzzle de passions, de donner sens à certaines paroles, à certains comportements qui remontent à la surface, comme des objets devenus dangereux. Julien perd pied, comme progressivement dépossédé de lui-même, de son libre arbitre. Esther est-elle l’amante diabolique qui apparaît dans les médias locaux ? 3 meurtres, que la justice croira avoir élucidés, dont elle voudra croire qu’elle a puni les coupables.
Mais Amalric garde à son film toutes les ambiguïtés du roman. L’affaire judiciaire est terminée, mais le mystère des passions humaines, lui, demeure, insondable, angoissant, menaçant. Qui sont les vrais coupables ? Le spectateur reste avec ses doutes, les pistes se brouillent dans les phrases , les regards hallucinés de Julien et les légers sourires énigmatiques d’Esther. La mise en scène souffre parfois du maniérisme qu’affectionne Amalric. On aimerait bien un peu plus de simplicité pour une compréhension plus empathique des personnages. Reste que l’ambition du film le place bien au-dessus de la production française, qui en manque singulièrement. Et l’interprétation d’Amalric lui-même, homme blessé qui ne semble plus rien comprendre aux malheurs qui s’abattent sur lui, celle de Stéphanie Cléau, d’une sensualité trouble, donnent au film tout le charme vénéneux qui lui donne la dimension des adaptations des vénérables Clouzot on Chabrol.
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2015
Nomination Meilleure Adaptation
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