Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d'amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l'arrivée de la petite soeur d'Eve, aussi extravagante qu'incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s'effondre autour d’eux ?
Osons une traduction : « Les derniers amants encore en vie » Elle est bien longue, l’éternité ! Eve et Adam s’aiment d’un amour qui a déjà traversé les siècles et ce n’est pas fini. Mais, semble-t-il, notre époque ne semble guère leur convenir. Adam y promène son ennui de dandy- rocker que seule sa collection des plus légendaires semble un peu émoustiller. Le sang dont ils ont besoin pour s’épanouir se fait rare, celui des zombies-c'est-à-dire vous et moi- n’est plus aussi facilement disponible qu’au bon vieux temps, et peut-on vraiment se fier aux pochettes achetées à prix d’or dans les hôpitaux ? Osons, le scénario du dernier film de Jim Jarmusch est d’une grande indigence, certaines séquences frisent même le ridicule. On a l’impression que ce n’est vraiment pas son problème et qu’il prend plaisir à recycler, pour remplir le vide scénaristique, son talent à créer de superbes images : Détroit et Tanger offre des décors nocturnes qui servent d’écrins au dandysme décadent qui passe aussi par une bande-son elle-même personnage de cette décadence. La filmographie de Jarmusch est riche d’une préciosité souvent teintée d’un humour plutôt distant, de personnages étranges, toujours un peu inquiétants. Le spectateur pouvait facilement se laisser séduire par une intrigue aussi originale qu’alambiquée. Mais ici, le raffinement se transforme trop souvent en toc et l’originalité en esbroufe. Les acteurs ne semblent pas tous habités par leurs personnages. Tom Hiddelston, en vampire beau ténébreux, arbore d’un bout à l’autre, la même triste petite mine désolée. Sans trop chercher à convaincre de l’intérêt de son personnage. Quant à la sublime Tilda Swinton, Jarmusch ne lui permet guère de renouveler son personnage de femme troublante, trouble, troublée. Le grand Jarmusch s’est enlisé dans ses propres stéréotypes. Restent quelques fulgurances qui laissent espérer qu’il puisse redevenir un maître de ce cinéma américain indépendant à qui il a déjà beaucoup donné.