LAURENCE ANYWAYS

Xavier Dolan est un jeune réalisateur ambitieux, qui a les moyens et le talent de ses ambitions. Son troisième film aborde un sujet délicat et neuf au cinéma, qui débouche sur une superbe histoire d’amour, avec ce que la passion suppose d’incertitudes, d’angoisse et de souffrance. L’histoire se passe en grande partie dans le Québec des années 90 encore marqué par le puritanisme religieux et le conformisme qui l’accompagne. Laurence (X.Dolan joue sur l’ambiguïté des prénoms) aspire à assumer son désir de devenir une femme, sans renoncer pour autant à aimer Fred (une femme, vous l’avez deviné).Il veut changer de genre plutôt que de sexe. Les désirs s’enchevêtrent, l’histoire est d’abord celle d’un couple qui essaie de survivre et de s’adapter à la transformation.. Suzanne Clément donne beaucoup d’intensité à son personnage de jeune femme aimante, capable de sublimer un amour qui repousse sans cesse les limites du raisonnable. Jusqu’à quand ? Dommage que le réalisateur n’ait pas éprouvé le besoin d’élaguer, tout à son désir de créer des ambiances parfois pesantes, ainsi la première demi- heure (c’est peut-être bien la première heure ?) est une épreuve à surmonter pour mériter la suite, et tout spécialement le dénouement. X .Dolan a beaucoup à dire et surtout à montrer, il crée des images superbes, des scènes oniriques étonnantes, qui se perdent malheureusement dans une mise en scène souvent trop ostentatoire De même, il multiple les personnages secondaires, pas toujours bien construits et qui n’apportent pas grand-chose au récit. Tous sont loin de présenter la vérité de la mère de Laurence, remarquablement interprétée par Nathalie Baye. Voilà donc le spectateur embarqué pour 2H40 d’un film inégal, qui recèle quelques pépites, mais qui aurait gagné à plus de concision et de modestie.