Le ministre des Transports Bertrand Saint-Jean est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet. Un car a basculé dans un ravin. Il y va, il n'a pas le choix. Ainsi commence l’odyssée d’un homme d’État dans un monde toujours plus complexe et hostile. Vitesse, lutte de pouvoirs, chaos, crise économique... Tout s’enchaîne et se percute. Une urgence chasse l’autre. A quels sacrifices les hommes sont-ils prêts ?
Jusqu’où tiendront-ils dans un État qui dévore ceux qui le servent ?
On ne jurera pas qu’on ne voit pas le temps passer, que les 112 minutes de la réalisation passent à la vitesse de l’éclair, que le cinéma français tient enfin son grand film politique. Pierre Schoeller crée des personnages et une intrigue qui rendent la fiction bien plus crédible que la facile guignolade de la Conquête. Mais tous n’ont pas la force et les incertitudes du Ministre des Transports Saint-Jean, remarquablement incarné par Olivier Gourmet. Et l’intrigue se perd parfois dans un marécage dont le spectateur a parfois du mal à se dépêtrer. Tant de petites compromissions et de grandes lâchetés pour de si piètres objectifs, est-il trop naïf de penser que le réalisateur pêche un peu par excès de cynisme ? A moins qu’il n’ait voulu montrer avec férocité que l’Etat finit par dévorer ses serviteurs les plus fidèles et les plus intègres, par briser toute volonté de le servir en homme libre et attaché à un certain idéal d’engagement ? Aux moments les plus intenses et les plus passionnants de l’histoire, et l’intrigue n’en est pas dépourvue, l’image saisit le chaos par lequel la vie privée et la carrière de Saint-Jean semblent devoir être irrésistiblement emportées. Tout devient mouvement, vitesse, ordre et contre-ordre, rage et passion destructrice. Les idéaux et les beaux principes se réduisent à des velléités sous le choc des intérêts et des ambitions personnelles. Et le dénouement a quelque chose de glaçant ! On n’attachera pas trop d’importance au représentant mutique et impuissant de Kuypers, l’homme du peuple. Sa charge symbolique est un peu lourde ! De même qu’on regrettera que les rôles féminins soient réduits à des stéréotypes qui n’ajoutent rien au talent d’une Zabou Breitman par exemple. Au total, un film qui n’est certes pas dépourvu d’intérêt, mais inégal, qu’il faudra regarder avec une certaine patience.