Téhéran, 1958. Nasser Ali Khan, musicien célèbre, a perdu le goût de vivre. Plus aucun instrument ne semble pouvoir lui redonner l'inspiration depuis que son violon a été brisé. Sa tristesse est d'autant plus forte que son amour de jeunesse, rencontré au coin d'une rue peu après cet incident, ne l'a pas reconnu. Après avoir cherché en vain à remplacer l'instrument reçu de son maître de musique, Nasser en arrive à la seule conclusion possible : puisque aucun violon ne peut plus lui procurer le plaisir de jouer, il se mettra au lit pour attendre la mort. Il envisage toutes les morts possibles : être écrasé par un train, sauter d’une falaise, se tuer d'une balle dans la tête, faire une overdose médicamenteuse... mais ne trouve aucune de ces possibilités digne de lui.
Après tout, il était le meilleur violoniste de son temps : Nasser Ali Khan. Il décide donc de se coucher et d'attendre patiemment Azraël, l'ange de la mort. Huit jours plus tard, Nasser est enterré. Tous ceux qui l'aimaient sont présents. L'histoire peut alors commencer...
Le nouveau film de Marjane Satrapi a le charme mélancolique d’une belle et triste histoire d’amour, et la séduction d’un film qui va et vient en toute liberté dans le temps et l’espace, balade le spectateur d’un genre cinématographique à l’autre. La réalisatrice ne s’en cache pas, le réalisme ne l’intéresse pas beaucoup, celui-ci s’éloigne à mesure que l’histoire progresse. On entre sans peine dans un jeu qui est aussi un hommage à la diversité du cinéma, et on partage sans peine le plaisir de M.Satrapi et V. Paronnaud à faire jaillir l’émotion du burlesque, la gravité de la fantaisie. Plaisant paradoxe : Persépolis(2007) était un film d’animation qui exprimait souvent la douleur des choses vécues ; Poulet aux Prunes, avec des acteurs et des images du quotidien, a souvent la fantaisie et l’irréalisme d’un film d’animation. Un irréalisme qui n’empêche pas une vision de la vie des hommes plutôt désenchantée. Nasser Ali Khan paie son grand talent de la solitude qui l’enferme et dans laquelle il s’enferme. Il paie son art de sa souffrance et tout à son personnage d’artiste maudit et incompris, il jette le malheur autour de lui. M.Amalric était sans doute l’acteur idéal pour incarner ce personnage narcissique et égocentrique, blessé au plus profond par un amour impossible. Les autres personnages ont moins de densité, le plus inquiétant étant l’omniprésent Azraël, l’ange de la mort, inflexible même si jamais pressé. Il serait malvenu de reprocher au film son manque d’ambition. M .Satrapi réussit la transposition au cinéma de sa bande dessinée, sans en bouleverser l’esprit. Son film n’est certes pas un monument du 7ème art, il en est une modeste pierre, qui tient une bien jolie place dans l’édifice.