La troupe est dominée par un clown, Sergio, qui enchante les tous petits par son talent, un homme capable de ravir les enfants comme de terroriser par son despotisme ses compagnons de roulottes, soumis à ses caprices, ses excès et ses blagues grossières. Le seul qui n'accepte pas sa tyrannie a le pâle visage du clown triste. Il s'agit de Javier, profondément affecté par une enfance traumatisante pendant laquelle il a vu son père, clown lui aussi, subir les injustices de la guerre civile et ses sombres conséquences. De fait, il va chercher à se venger sur cette figure de monstre séducteur et tyrannique à la fois, un dessein ravivé par la fascination qu'il ressent à l'égard de Natalia l'acrobate, compagne de couche du sadique chef du cirque. Le spectacle, la tragédie et le grand guignol sont au rendez-vous, sobrement brodés par le fil clair-obscur de l'"astracanada" (type de farce théâtrale), le tout proche de l'esprit de Valle Inclán, avec un final qui parvient à élever le spectacle à un paroxysme difficile à atteindre après une présentation aussi capricieuse, irrégulière et échevelée que celle qu'a conçue Alex de la Iglesia à partir d'un sujet écrit seul, sans la complicité de son co-scénariste habituel,Jorge Guerricaechevarría.
Lion d’Or à la Mostra de Venise pour la meilleure mise en scène et Prix du meilleur Scénario, le film d’Alex de la Iglesia avait en effet les meilleurs atouts pour plaire au Président du Festival, Quentin Tarantino. D’Inglorious Basterds à Balada Triste, de la détestation du Nazisme à celle du Franquisme, l’Histoire a changé de visage mais reste le champ de bataille d’une énorme bouffonnerie dégoulinante de sang, destinée à la mettre en pièces par la démesure et le grotesque. Le film empile les séquences sans guère de logique ni de continuité chronologique. Il y de fameux raccourcis plutôt embarrassants pour le spectateur non averti de l’Histoire récente de l’Espagne alors que la lutte à mort du clown triste, victime assoiffée de vengeance, et du clown vedette, immonde sadique, pour les beaux yeux d’une trapéziste sadomasochiste semble en être la métaphore. Mais plutôt que d’être riche de directions multiples qui exciteraient la curiosité du spectateur, le film donne rapidement l’impression d’être un fourre-tout d’images non-contrôlées. De la comédie romantique à la tragédie historique, du trash le plus sordide à l’envolée onirique, cette tarantinade part dans tous les sens mais sans jamais mener nulle part .Et si l’on attend la fin avec impatience, c’est beaucoup moins pour un dénouement dont on se désintéresse que pour être délivré de l’ultra-violence qui donne à l’ensemble un triste semblant d’unité.