NOSTALGIA DE LA LUZ (2010) Nostalgie de la lumière

Patricio Guzman poursuit son travail de documentariste, avec le même refus inlassable de l’oubli, surtout des heures les plus sombres de l’Histoire de son pays. Mais son film est beaucoup plus qu’un indispensable travail de mémoire. Il dessine des liens étranges et fascinants entre l’astronomie, l’archéologie et la protestation politique. Les images subliment la beauté du désert d’Atacama, associée à celles, troublantes et merveilleuses, des télescopes géants qui scrutent les confins de l’univers. Pas d’angoisse pascalienne devant l’immensité de l’univers et son silence vertigineux, pas d’appel à un Dieu-Architecte pour lui donner un sens plus ou moins apaisant. Guzman laisse parler les hommes (et les femmes) : ils sont gagnés par la sérénité des lieux et bien loin de l’image stéréotypée du savant enfermé dans sa tour d’ivoire. C’est qu’au pied des télescopes, il leur arrive de rencontrer ceux qui fouillent le sol et font surgir de l’oubli des populations de l’époque précolombienne. Ainsi l’idée fait son chemin que seule la connaissance du passé peut éclairer le présent et l’avenir. Celle de la lumière des étoiles qui a mis des milliers d’années à parvenir jusqu’à nous. Celle de la mémoire de ces femmes qui continuent elles aussi à fouiller obstinément le sol pour en arracher la trace d’un mari, d’un enfant assassiné par la dictature de Pinochet(le désert a aussi servi de lieu d’enfermement et de torture). Le réalisateur se garde bien d’expliquer cette solidarité, le beau commentaire et les images en donnent l’intuition. Le désert d’Atacama ne révélera pas de sitôt tous ses mystères et ses drames, pas plus qu’il ne livrera demain la clé de l’univers. En partant à sa découverte, le spectateur part à sa propre recherche. Que va-t-il trouver de lui-même ? Un film rare, où l’intelligence, la beauté et l’émotion se respectent et s’enrichissent mutuellement.