Marieke a 20 ans. Elle vit avec sa mère, Jeanne, une femme incapable d’éprouver des sentiments depuis la mort de son mari. La journée, Marieke est ouvrière dans une usine de chocolat, travail qui n’assouvit en rien sa soif de liberté et de passion. La nuit, elle s’évade en rencontrant des hommes bien plus âgés qu’elle. Avec eux, elle se sent forte et précieuse. Un homme va arriver et briser l’équilibre fragile que Marieke avait réussi à se créer.
Ce premier long métrage de Sophie Schoukens s’ancre dans une profonde belgitude. La jeune Marieke est comme toute droite sortie de la chanson de J.Brel. L’image de Bruxelles due à Alain Marcoen,le photographe attitré des Frères Dardenne, se construit sur des lieux banals ,bistrots du soir, immeubles au bord de la démolition, qui se relient en un tissu d’un réalisme étrange. On y perçoit que le mal-être n’a que faire des variétés linguistiques qui n’ont fait obstacle ni aux amours ni aux amitiés anciennes. Dans le quotidien harassant à l’apparence familière d’une célèbre pâtisserie-chocolaterie bruxelloise se joue la vie de Marieke. Privée de souvenirs par le mutisme total de la mère qui a décidé de fermer définitivement le livre tragique de la mort du père, Marieke se débrouille comme elle peut pour maintenir un certain équilibre à sa vie. Elle a la rage de vivre et de savoir. Elle sait qu’elle ne se construira que par la vérité qu’elle reconstitue peu à peu, douloureusement. Difficile de ne pas reconnaître en elle comme une petite sœur(ou cousine) de Rosetta, de Lorna, des adolescentes de Ken Loach. On en arrive vite à la trouver émouvante, la petite Marieke (convaincante Hande Kodja), parce qu’elle passe si vite des larmes au sourire, et on est heureux qu’elle retrouve sur son chemin Jacoby, l’ami du père, à qui Jan Decleir donne la formidable stature du Commandeur de la Vérité et donc du deuil enfin possible. Si le film ne convainc pas tout à fait, c’est sans doute parce qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’il appartient à une famille déjà nombreuse et dans laquelle il doit être difficile de faire entendre une voix tout à fait singulière.
