Une petite ville dans le sud de la Bosnie-Herzégovine, dans le sillage de la guerre. Après des années de régime communiste, un nouveau gouvernement démocratique est élu, tous les sympathisants de l'ex-système sont tout à coup pardonné. Il est temps pour Divko Buntic de rentrer chez lui et de se venger après des années d'exil. Il revient avec une nouvelle épouse, de quarante ans sa cadette, une nouvelle Mercedes, un chat noir et beaucoup d'argent. Sa première vengeance consiste à jeter dehors son ex-épouse et son fils de leur ancienne maison. Divko a l'impression que tout lui réussit et que l'argent suffit à faire son bonheur. Mais la roue tourne et une nuit, son chat disparaît. Son fils et sa jeune épouse Azra tombent amoureux, et la guerre commence à frapper aux portes de la ville. Alors que tout commence à virer au noir pour Divko, il prend le dessus en regagnant la seule chose qu'il ait jamais vraiment voulu et la vraie raison de son retour: son ex-femme.
Danis Tanovic a tardé à retrouver l’originalité et la vivacité de son premier long métrage (No Man’s Land, 2001). C’est heureusement chose faite : en même temps qu’il retourne au cœur de sa préoccupation majeure, la guerre dans son pays natal, il renoue avec un humour qui en révèle bien les absurdités. Le film s’arrête lorsque les premières bombes atteignent la ville où Divko a décidé de revenir passer le reste de son âge une fois sa fortune faite en Allemagne. Divko qui perd son chat porte-bonheur, sa compagne un peu trop tendre pour un homme de son âge, retrouve un fils abandonné, et semble décidé à régler ses comptes avec une épouse qui lui réciproque une hargne au moins aussi intense. L’intrigue ne met en cause que des gens ordinaires, tout occupés par des questions banales, et qui ne prêtent qu’une oreille distraite aux rumeurs de guerre qui se font pourtant insistantes. Le film joue sur ce décalage, relègue au second plan les raisons les plus attendues du conflit à venir, la religion, le nationalisme, pour en montrer les racines les plus ordinaires que sont la jalousie, la cupidité, la peur. Tout cela à travers la vie tantôt mesquine tantôt drolatique d’une communauté certes en voie de dislocation, mais a priori ni plus moche ni plus lâche qu’une autre. Et on le pressent, la bêtise humaine n’empêchera pas Divko de rechercher son chat, et de faire à nouveau tourner le carrousel de sa jeunesse. Paradoxe qui n’est pas le moins intrigant : celui du bonheur retrouvé alors que la guerre éclate enfin. Comme si la vérité à soi-même et à ses racines allait être la plus forte. Comme si, plus forte que les circonstances les plus funestes, cette histoire banale en était la chronique de sa victoire annoncée. Un beau film de construction classique, à la gravité légère.