Le jeune pasteur baptiste et militant des droits civiques, le Dr Martin Luther King, vient de recevoir le Prix Nobel pour la Paix lorsqu’il rejoint les activistes qui organisent l’opposition à la ségrégation raciale dans la ville de Selma. En cet été 1965, les Afro-Américains ont déjà formellement acquis le droit de vote mais dans le Sud des États-Unis l’exercice de ce droit est contrecarré par toutes sortes de stratagèmes. Les noirs y sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone et sont en butte au racisme quotidien. Martin Luther King lutte en vain pour convaincre le Président Lyndon B. Johnson de l’urgence de sa cause et se retrouve lui-même en conflit avec une police à la gâchette facile et avec le gouverneur ultraconservateur de l’Alabama. Le combat pour l’égalité des droits qui atteint sa phase critique lors de la marche sur Washington bouleverse le pays.
Un film essentiel, indispensable, même s’il n’est pas un chef-d’œuvre. Une efficace piqûre de rappel : les faits évoqués avec beaucoup de précision nous renvoient à l’Amérique d’il y a 50 ans, à ses démons racistes d’alors, dont on n’oserait dire qu’ils ont tout à fait disparu. Le grand mérite du film de la jeune réalisatrice Ava Du Vernay est de nous révolter sans trop jouer sur la corde de l’apitoiement. Et d’éviter de faire de Martin Luther King une sorte de super- héros de la cause de l’égalité des droits. L’homme hésite parfois sur les voies à suivre, il craint pour la vie de sa femme et de ses enfants. Plutôt que la recherche d’un destin personnel, c’est l’ambition de tout un peuple qu’il se donne pour ambition de galvaniser : prendre enfin sa place dans le rêve américain, gagner respect et dignité. Les scènes de l’humiliation et de la brutalité au quotidien se succèdent, révoltantes. On aimerait croire que le racisme ordinaire, administration, police, qui se manifeste à chaque instant, soit exagéré pour les besoins de la cause que le film défend mais le réalisme est implacable : il faudra des larmes et du sang avant que la violence et la bêtise ne reculent. Etonnante, cette omniprésence de la foi religieuse qui est bien plus qu’un soutien : pour Luther King et ses amis, elle apporte la certitude que le bien peut vaincre le mal, que l’homme blanc n’est pas fatalement un loup pour l’homme noir. La foi porte ici des valeurs de générosité et de dignité que les institutions censées la soutenir ont trop souvent tendance à oublier. Alors, où mettre un bémol à ce film si méritoire ? Sûrement pas dans l’interprétation, qui est très respectueuse des personnages incarnés. Si le film est bien sûr un biopic, les acteurs évitent de mimer leurs personnages. A commencer par David Oyelowo, qui est un Luther King très convaincant sans chercher à lui ressembler. Non, on peut seulement regretter qu’à certains moments la mise en scène manque du souffle qui aurait pu donner au film une dimension épique. Mais peut-être s’agit-il d’un choix de la réalisatrice, qui privilégie parfois le verbe et la rhétorique à l’élan de la caméra. Etonnant, tout de même que Selma soit reparti de la cérémonie des Oscars avec un seul lot de consolation : celui de la meilleure chanson originale.
Jean-Pierre Sculier
PREMIERE: Selma - Ava DuVernay
Avec ce troisième film, Ava DuVernay raconte un épisode bien précis de la vie du légendaire militant des droits civiques. Le mouvement de protestation qu’il menait a galvanisé le public américain et a finalement conduit le Président à signer le « Voting Right Act ». Brad Pitt est un des producteurs de Selma, aux côtés d’Oprah Winfrey qui joue également un second rôle dans le film.
Lieu Palais des Beaux-Arts / Salle M
Dates Jeudi 05.03.2015 - 20:00 > 22:30
Prix à la caisse € 10,00: tarif standard € 8,00: tarif réduit (BOZARfriends, - 26,...)
Langue(s) VO: Anglais sous-titrage: Néerlandais | Français