THE GRANDMASTER

Beau retour du grand réalisateur chinois Wong Kar-Wai (In the mood for love). Les passionnés d’arts martiaux y trouveront leur plaisir, le film magnifie cette apparente recherche mystico-philosophique de la beauté, de l’équilibre, de la maîtrise de soi. Les non-initiés, eux, ne pourront qu’admirer ces combats réglés comme des séquences d’opéra. Ainsi la première séquence est-elle un grand moment de recherche esthétique, l’affrontement est une chorégraphie subtile, savante, qui subjugue. Bien sûr, ce n’est pas le premier film qui associe kung-fu et esthétisme. Tigre et Dragon de Ang Lee était passionnant de virtuosité, celui-ci l’est peut-être un peu moins mais le réalisateur parvient à associer à l’action d’un film de genre l’atmosphère de ses plus belles œuvres précédentes. L’impossibilité de l’amour est suggérée par la plus extraordinaire scène de combat : les regards se croisent, intenses, les corps s’effleurent, chacun respecte le rituel dont il connaît le dénouement, non pas la victoire ou la défaite mais le regret, la nostalgie qui bientôt les recouvrira de la mélancolie (sublimes Zhang Ziyi et Tony Leung) des amours interdits. Le film est imprégné de la fuite du temps, c’est un art de vivre qui est en train de disparaître dans une Chine archaïque mais pétrie de traditions qui lui donnent un sens. Contrepoints à ce code de l’honneur du kung-fu, la guerre sino-japonaise puis la Révolution communiste qui précipitent les malheurs d’Ip Man, dont le film raconte la destinée. Et c’est réfugié à Hong-Kong, encore colonie britannique, qu’il deviendra le mentor de Bruce Lee. Sans doute certains personnages importants de ce monde si codifié auraient-ils mérité un plus grand approfondissement, au bout de l’histoire, on ne les connaît guère. On dira que la dernière partie se traîne un peu. Mais que de grands moments dans un film qui, rareté, concilie divertissement populaire et recherche du beau.