Après la mort du Pape, le Conclave se réunit afin d'élire son successeur. Plusieurs votes sont nécessaires avant que ne s'élève la fumée blanche. Enfin, un cardinal est élu ! Mais les fidèles massés sur la place Saint-Pierre attendent en vain l'apparition au balcon du nouveau souverain pontife. Ce dernier ne semble pas prêt à supporter le poids d'une telle responsabilité. Angoisse ? Dépression ? Peur de ne pas se sentir à la hauteur ? Le monde entier est bientôt en proie à l'inquiétude tandis qu'au Vatican, on cherche des solutions pour surmonter la crise...
La fumée est blanche, enfin. Nous avons un Pape. Le cri de joie du monde chrétien se transforme en cri d’effroi chez le malheureux élu. Le Cardinal Melville ne se sent pas la force de conduire tout un peuple, et pas davantage le goût du paraître et de la mise en scène d’une charge qui médiatise sa spiritualité. Mais s’il fuit, c’est pour renouer le contact avec le monde réel et tenter de se retrouver lui-même, être humain de frustrations et de désirs refoulés.
Nanni Moretti fait descendre le Cardinal de son piédestal et nous livre un portrait très émouvant de simplicité et de vérité humaine. Avec la complicité de son interprète, Michel Piccoli, qui investit son personnage avec une sobriété et une retenue remarquables. Bien sûr, Moretti ne se prive pas de se moquer de ces vieillards comiquement immatures et régressifs que sont tous ces grands enfants réunis en Conclave pour choisir un des leurs. Mais il le fait sans hargne, avec gentillesse. Son anticléricalisme n’a dans ce film rien de virulent, la charge est légère et fait plutôt sourire que ricaner. Mais la légèreté n’empêche pas, que du contraire, la réflexion. Car il est tout de même inquiétant qu’une telle responsabilité incombe à des individus tellement ignorants du monde extérieur et vivant dans le déni des complexités humaines.
Moretti s’amuse, joue sur plusieurs tableaux. Lui-même s’introduit au milieu de ces «Eminences» et campe un psychanalyste athée-le meilleur de la profession malgré son athéisme - chargé de libérer le nouveau Pape de sa dépression mais avec l’interdiction d’explorer aucun des fondements de l’âme humaine. Mais le psy est un bavard impénitent, imbu de lui-même ; on devine la jubilation de l’acteur-réalisateur à camper ce personnage tout à la fois compétent et manipulateur. Ici aussi la satire est à la fois vigoureuse et légère. Et malgré certaines longueurs, quelques grincements dans la succession des situations, c’est avec le sourire qu’on suit les péripéties de cette curieuse histoire. Et on a plaisir à croire que Melville aura, lui, retrouvé le goût de vivre, après avoir rompu sa solitude et réintégré le monde de ses rêves de jeunesse.
